Petite ville située au nord-est du pays dans la partie tropicale à la frontière du Ghana, Agnibilekrou possède 15000 ha dont la moitié sont des Agnis un sous-groupe des Akans installés depuis la fin du XIX siècle en Côte d'Ivoire. La culture du café et du cacao sont les seules ressources économiques de cette région où vit une importante communauté originaire du Burkina-Faso employée essentiellement dans les plantations. Les femmes cultivent l'igname qui est la base de la nourriture, celle-ci une fois bouillie et pilée se consomme avec un ragoût où se mêle viande, poisson séché et légumes divers, cette activité génère un petit budget par la vente des tubercules au marché local ou en différents lieux d'activités liées aux transports où transitent marchandises et voyageurs comme les gares des taxis brousse et les points de halte des grumiers employés pour l'exploitation des fôrets: ceci permet aux femmes d'assurer la nourriture quotidienne dans la cour de la concession où gravite très souvent une vingtaine de personnes, ces sociétés étant de type matriarcal. La collecte de l'eau incombe aux enfants qui accomplissent fréquemment avant de se rendre à l'école plusieurs voyages au marigot situé souvent fort loin avec sur la tête une charge de 25 kg. Ces corvées vitales se renouvellent pour l'approvisionnement en charbon de bois nécessaire à la cuisson des aliments. Chaque année en Septembre les Agnis célèbrent la fête de l'igname: nouvel an lié au calendrier agricole où tous les outils utilisés pour cette récolte sont revitalisés par des rites purificatoires associés à de nombreux sacrifices de volailles dédiés aux divinités en des points précis du foyer pour tenir à l'écart les maladies et favoriser les bonnes récoltes, enfin le vin de palme est versé au sol en mémoire des ancêtres. Dans la cour du roi, chef tradionnel, sont amenés par de jeunes filles vierges des sièges sacrés entourés de linges blancs, ces tabourets en bois sculptés d'animaux symbolisant la force ou la ruse, celui-ci dégagé, sera aspergé du sang d'un mouton égorgé renforcant ainsi les liens de lignage. Les féticheuses saupoudrées de kaolin et bardées de nombreux gris-gris entament de longues litanies, virevoltant en transe dans l'espace protégé du soleil ardent par d'immenses branches de palmiers qui filtrent la lumière donnant à cette cérémonie un aspect plus mystérieux où les morts communiquent par l'intermédiaire des féticheuses le regard fixé sur de petits miroirs passeurs d'âmes, la foule capte, vibre aux tambours battus vigoureusement: tragédie d'une Afrique profonde où l'âme des ancêtres rôde parmi les vivants.Ici les riches planteurs s'offrent de magnifiques tombeaux où ils se représentent assis enveloppés du pagne d'apparât et du sceptre, entourés de leurs épouses agenouillées les mains jointes; au devant de cet abri intime figurent aussi des familiers portant l'uniforme policier ou douanier symbole ici de réussite sociale et de pouvoir matériel; avec des représentations d'animaux sauvages cette scénographie réunit tous les ingrédients du conte surnaturel chers à la profonde et inépuisable tradition orale des griots africains.

 

 

 

 

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